15/06/2025
De mémoire de joueur, on n’a jamais autant parlé d’actions autour des échecs dans les écoles de Pertuis que ces dernières années. Jusque-là, le jeu restait souvent cantonné aux clubs ou aux soirées entre passionnés — mais ça bouge ! Pourquoi ce nouvel engouement ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis la réforme de 2022 impulsée par l’Éducation nationale (source : Eduscol), plus de 7000 écoles primaires françaises proposent désormais des ateliers échiquéens. Pertuis s’inscrit résolument dans ce mouvement.
Si les échecs reviennent sur les bancs de l’école, c’est que le jeu fait bien plus que déplacer des pions : il apprend la concentration, la gestion du temps, la prise de décisions réfléchies et même… l‘art de s’incliner sans rancune ! Les enseignants y voient aussi un outil d’égalité : le roi et le pion, tous deux peuvent changer le cours de la partie. À Pertuis, cette philosophie se traduit par une volonté de rendre le jeu accessible à tous, pas seulement aux “petits prodiges” mais aussi à ceux qui découvrent la différence entre un cavalier et une tour.
À Pertuis, on remarque qu’une bonne partie des écoles primaires et quelques collèges se sont lancés dans l’aventure, chacun à sa manière.
Ce qui est marquant : la diversité des formats et le refus du “prêt-à-jouer” — ici, chaque projet est taillé sur mesure en fonction des élèves, des besoins pédagogiques… et de l’énergie des animateurs.
Prenons l’exemple de l’école Jean Moulin. Les ateliers y sont menés par des bénévoles du club Échecs Pertuis, agréés par l’Inspection académique. Ce partenariat se traduit par :
Ce dispositif est souple : certains groupes, particulièrement mordus, ont droit à des séances de rattrapage organisées lors d’événements spéciaux (“Semaine des mathématiques”, “Journée mondiale des échecs”).
En 2024, Pertuis a vu la troisième édition du Trophée Échecs des Écoles réunir plus de 90 enfants issus de six établissements différents (Jean Moulin, Boris Vian, La Présentation, mais aussi des écoles des villages voisins comme Villelaure et la Tour d’Aigues). Ambiance digne d’un championnat du monde, mais à hauteur de petits rois : la tension monte à chaque partie, mais on rit, on s’encourage, et la médaille du fair-play est aussi convoitée que celle du meilleur score.
À noter : le collège Marie Mauron a lancé cette année une rencontre inter-niveaux lors de la “Journée du sport scolaire”, invitant les CM2 des écoles partenaires à se frotter aux élèves de 6. Quand on voit des matches acharnés entre une future collégienne et un garçon déjà rodé des compétitions, on se dit que la transmission fonctionne : ici, c’est la passion qui prime sur l’âge ou l’expérience.
Les porteurs de projets dans les écoles de Pertuis insistent : tout le monde doit pouvoir jouer. Pour les enfants en difficultés scolaires, parfois en situation de handicap (DYS, TSA ou troubles de l’attention), l’échiquier devient un terrain d’expérimentation égalitaire : on avance case par case, à son rythme. À l’école Boris Vian, un groupe piloté par l’enseignant spécialisé propose désormais des séances adaptées, avec des échiquiers grand format pour mieux visualiser les déplacements et un “sablier visuel” pour rassurer sur la gestion du temps.
D’autres exemples : chaque tournoi organisé prévoit systématiquement une table sans pendule, réservée aux enfants sensibles à la pression du chrono, et les animateurs bénévoles reçoivent une initiation à la communication inclusive (conseillée par le rectorat d’Aix-Marseille depuis 2023).
Toute la réussite de ces projets dépend d’une chose simple, mais exigeante : avoir des adultes formés, ou tout au moins, motivés à apprendre ! À Pertuis, plusieurs enseignants ont suivi le Plan de formation “Échecs à l’école” proposé par la Fédération Française des Échecs (FFE). En 2022-2023, quatre professeurs des écoles de la ville ont obtenu leur attestation de compétence, après avoir participé à un cycle de 12h animé à Pertuis même, salle Mirabeau.
Quels acquis pour eux ?
Le club Échecs Pertuis, soutenu par la mairie, propose également des interventions ponctuelles pour épauler les nouveaux venus dans l’organisation d’ateliers ou la gestion de tournois, notamment lors des journées “portes ouvertes” ou de la Semaine de la Citoyenneté.
Le tissu local s’engage progressivement. Outre le club Échecs Pertuis, plusieurs partenaires apportent leur soutien :
Il existe même, depuis l’an dernier, un “passeport échecs” permettant aux enfants ayant suivi les ateliers scolaires de bénéficier d’une inscription à tarif réduit au club lors de leur première année (initié par le club, validé par la mairie).
Ceux qui s’attendent à voir débouler une nouvelle génération de champions à la sauce Magnus Carlsen seront peut-être déçus : ici, l’intention première reste le plaisir de jouer, la confiance, le partage. Mais quelques chiffres parlent tout de même :
De plus, la mixité progresse : la représentation des filles atteint localement 45% dans les ateliers loisirs, ce qui, à l’échelle nationale, dépasse la moyenne constatée (autour de 33% selon la FFE).
Pour beaucoup, l’objectif n’est pas de devenir grand maître, mais simplement de développer d’autres façons d’apprendre, de réfléchir, de dialoguer. Les échecs permettent aussi de valoriser des enfants parfois en retrait sur d’autres disciplines — et parfois, ce pion timide qui avance en silence finit par renverser bien des rois.
A Pertuis, le jeu d’échecs à l’école n’a rien de figé. Les projets se construisent pas à pas, en s’adaptant aux envies des élèves, à la disponibilité des animateurs, aux hasards heureux des partenariats.
Les enseignants soulignent que le jeu d’échecs, loin d’être un simple loisir, occupe aujourd’hui une place transversale : dans les activités périscolaires, mais aussi au cœur de projets interdisciplinaires mêlant histoire, mathématiques, arts plastiques. Il existe même des initiatives pour intégrer les parents (tournois familiaux, séances de découverte lors des fêtes scolaires).
Si la vague continue sur sa lancée, Pertuis pourrait bien devenir un modèle dans le Vaucluse pour la diffusion et l’inventivité de ces actions scolaires autour des échecs. Les amateurs, petits ou grands, n’y trouveront pas seulement un jeu, mais un vrai terrain d’aventure où l’on apprend, case après case, que la vie se joue souvent… à un coup près.